John Stuart, professeur d’architecture à l’Université Internationale de Floride et doyen associé du College of Communication, Architecture, and the Arts, partage son engagement en tant qu’enseignant dans la réflexion sur l’architecture et la résilience climatique. Son approche pédagogique est un véritable appel à l’imagination et à la réflexion prospective, cherchant à préparer la prochaine génération d’architectes à l’avenir des environnements urbains.
L’architecture en réponse au changement climatique
« Nous nous intéressons plus particulièrement à l’environnement bâti, aux environnements historiques de Miami Beach. La première chose qu’ils font est de considérer l’environnement bâti comme une construction sociale. » Les étudiants examinent les interactions humaines qui ont façonné ces espaces, allant des relations entre architectes et entrepreneurs à l’étude des habitants des bâtiments à travers des outils modernes, permettant de remonter dans l’histoire des lieux et de comprendre leur rôle dans la création de communautés.
Une fois cette analyse sociologique effectuée, les étudiants s’intéressent à la résilience environnementale des bâtiments, notamment à leur vulnérabilité face aux intempéries, telles que les tempêtes et l’élévation du niveau de la mer. « Les étudiants examinent la hauteur du premier étage par rapport à l’élévation du niveau de la mer, la vulnérabilité des toits aux tempêtes, les matériaux utilisés et l’impact des arbres et autres éléments naturels à l’extérieur. » En partenariat avec la ville de Miami Beach, les étudiants sont amenés à explorer les lignes directrices inscrites dans l’étude « Buoyant City », qu’ils appliquent dans leurs projets en envisageant des stratégies de résilience adaptées aux défis du climat.
Imagination et technologie : des outils pour la résilience
L’un des éléments clés de l’enseignement de John Stuart est l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA) pour aider les étudiants à imaginer des scénarios futurs. »L’IA est utilisée de deux manières : d’une part, elle nous aide à imaginer un futur fictif pour un bâtiment, en générant des histoires pour les habitants potentiels, et d’autre part, elle aide à concevoir les projets en fonction de ces futurs possibles. » Cette approche permet aux étudiants de se projeter dans des situations climatiques extrêmes, telles que des piques-niques dans une cour inondée. « Les rendus générés par l’IA nous aident à visualiser ces scénarios, que les étudiants utilisent ensuite pour créer des solutions architecturales. »
L’urbanisme et la mémoire du futur
John Stuart évoque également l’importance de la mémoire dans l’architecture, notamment à travers la préservation des éléments historiques tout en imaginant le futur. « Les étudiants réfléchissent à ce qu’ils souhaitent préserver. Ce n’est pas seulement une question de préserver un bâtiment, mais aussi de préserver des éléments sociologiques, de manière à encourager une plus grande participation des habitants. » Il souligne l’importance de cette réflexion sur la mémoire, en expliquant que ce que nous valorisons aujourd’hui peut être très différent de ce qui sera perçu comme essentiel dans cinquante ans.
Le rôle des scientifiques dans l’adaptation au changement climatique
Dans le cadre de ses projets, John Stuart travaille en étroite collaboration avec des scientifiques spécialisés dans l’élévation du niveau de la mer, ce qui permet aux étudiants d’appréhender la diversité des scénarios possibles. »Il y a toute une gamme de possibilités concernant l’élévation du niveau de la mer dans les 50 prochaines années. Les scientifiques nous enseignent qu’il n’y a pas de réponse unique, mais plutôt une série de probabilités. » En collaboration avec le Sea Level Solution Center, les étudiants apprennent à aborder les défis climatiques sous un angle dynamique et flexible. John Stuart insiste sur la nécessité d’enseigner aux jeunes architectes la valeur de cette flexibilité face à un avenir incertain.
La lutte contre l’impuissance face au changement climatique
John Stuart soulève la question du pouvoir d’action face à l’ampleur des défis environnementaux. « C’est une véritable lutte interne entre le cynisme et la volonté d’insuffler un enthousiasme aux plus jeunes générations. » Cependant, il se montre optimiste face à la mobilisation des jeunes, qui, selon lui, sont non seulement conscients de l’urgence climatique, mais sont également prêts à prendre des actions concrètes. « Les étudiants veulent trouver des solutions aux défis écologiques et sociaux. Ils voient le changement climatique non pas comme une menace idéologique, mais comme une menace directe à leur qualité de vie. »
Réflexion sur l’avenir de Miami
Envisager l’avenir de Miami est un exercice complexe pour John Stewart. « Je ne pense pas que mes enfants vivront ici. » Le professeur exprime son pessimisme quant à la pérennité de la ville à long terme, tout en soulignant que le véritable défi réside dans les décisions que les autorités locales et mondiales prendront dans les années à venir. »Les décisions qui seront prises par le secteur de l’assurance, par exemple, détermineront si les villes côtières comme Miami peuvent continuer à se développer ou si elles deviendront invivables. »*
Un message d’espoir pour la nouvelle génération
Enfin, John Stuart délivre un message d’espoir : »L’un des plus grands enseignements que j’ai reçus en 30 ans d’enseignement à la FIU, c’est que l’on peut apprendre énormément de choses si l’on reste curieux et ouvert d’esprit. »Selon lui, les étudiants les plus optimistes sont ceux qui explorent les possibilités infinies de notre monde, et qui cherchent à créer un avenir durable à travers la curiosité et l’innovation.
Il conclut sur l’importance d’une pensée proactive et collective face aux défis écologiques mondiaux : « Ce que nous laissons après notre vie et notre impact doit être positif. Il n’y a pas de temps à perdre. »
Note
Le projet « Buoyant City » à Miami Beach est une étude de résilience urbaine lancée en 2017 par la ville en collaboration avec des architectes, des urbanistes et des ingénieurs. Son objectif est d’adapter les quartiers historiques de la ville aux risques liés à l’élévation du niveau de la mer, tout en préservant leur patrimoine architectural. Les recommandations incluent la surélévation des bâtiments, l’aménagement de systèmes de drainage innovants et la création d’espaces verts capables d’absorber les eaux pluviales. Ce projet a été soutenu par des institutions telles que l’Université de Miami et a reçu des distinctions pour son approche intégrée de la résilience urbaine.
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